Le colonel Paul-Alfred Dugoit est un officier du corps d’artillerie apprécié du haut commandement. Ambitieux et cherchant la reconnaissance dans des faits d’armes impossibles, son inflexibilité lui fait commettre de dramatiques erreurs de commandement. Ses sanglantes déterminations sont justifiées et transformées en victoires dans les journaux grâce à son ami Antoine Felix Lepic, photographe à la Section Photographique de l’Armée.
À la fin du conflit, il s’installe à Paris, impatient de retrouver la fureur des combats. Le “boucher de Javel”, surnom dû à son entente avec le fournisseur d’obus Cortine, profite de ses relations pour intégrer le lobby colonial “ Comité d’Afrique Française”.
Il intrigue auprès de ces industriels facilement impressionnables pour un poste dans cette jeune colonie d’à peine deux mois : la Haute-Volta…
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Antoine-Félix Lepic
Antoine-Félix Lepic est photographe, et s’il possède son propre studio, il collabore toujours avec la presse quotidienne.
Engagé dès 1915 comme photographe à la Section Photographique de l’Armée, il alimente la revue « L’Illustration » de clichés remarquablement patriotiques, mais surtout intelligemment recadrés. L’habile falsificateur parvient à faire passer d’hasardeux et tragiques bombardements touchant les lignes françaises en autant de sacrifices nécessaires à la défense de la Patrie. Rattaché au Service de la Propagande, il termine la guerre en côtoyant éditeurs et membres du comité de Guerre avec qui il noue des liens financiers.
Dès son retour à la vie civile, ses campagnes de persuasion ayant eu une réelle portée politique, le gouvernement le nomme Chevalier de la Légion d’honneur.
Depuis, ce cupide aigrefin se débarrasse de ses investissements risqués dans les cercles parisiens.
Louis Cortine
L’industriel Louis Cortine est mobilisé comme capitaine d’artillerie jusqu’en 1915, date à laquelle il quitte le front sans autorisation pour proposer au ministère de l’Armement de fabriquer des munitions en grand nombre si on lui fournit les matières premières. Curieusement, la réaction du gouvernement est de lui passer une première commande d’un million d’obus, rapidement épuisée grâce à ses amis artilleurs. La guerre des tranchées s’enlisant, le commandement militaire va utiliser massivement l’artillerie et lui permettre d’amasser une petite fortune.
Sur les conseils de son ami Paul-Alfred Dugoit, il devient un fournisseur privilégié en matière d’obus conventionnels ou chimiques et l’État, en demande constante, lui facilite l’acquisition de terrains au sud-ouest de Paris pour construire une nouvelle usine quai de Javel.
Le conflit terminé, il obtient à nouveau des subventions pour consacrer cette usine à la production automobile. Cette semaine, il s’apprête à dévoiler son premier modèle.
Fernand Maréchal
Fernand Maréchal est lieutenant d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale. Joueur invétéré, il est ami avec officiers et poilus qu’il bat régulièrement. Sa réputation au jeu de l’Euchre lui vaut le surnom de “Joker” car, chanceux, il a toujours en main cette nouvelle carte.
En 1917, lors d’une attaque pour percer les lignes allemandes, l’artillerie ne modifie pas l’allongement des tirs et bombarde les soldats français sortis des tranchées. Fernand est gravement touché au visage et doit sa survie aux ambulanciers venus ramasser les corps.
La cicatrisation de ses blessures alterne avec une chirurgie barbare où l’on entreprend de lui refaire une partie du visage et de camoufler l’ensemble. Comme tant d’autres mutilés, il passe d’hôpital en hospice, et ne peut s’empêcher de penser à “ceux qui s’en sont si bien sortis”.
Refusant l’idée de porter un masque qui dissimulerait les erreurs de commandement ayant provoqué son infirmité, il disparaît des sanatoriums au printemps 1919…
André Roulard, dit Dédé
Dédé est l’un des rares soldats ayant survécu à la boucherie des bombardements des lignes françaises en 1917. Les désertions et mutineries secouant l’armée française à cette période, l’état-major prend soin de ces quelques rescapés qui reçoivent la Légion d’honneur et sont très vite démobilisés après un séjour en hôpital militaire. Rentrant à Paris, Dédé ne retrouve ni son emploi d’avant-guerre, ni son logement, détruit en 18 par le fameux “canon parisien”. L’ancien gardien de l’écluse des Morts sur le canal Saint-Martin suit un programme du gouvernement qui le réinsère en tant que terrassier pour la Ville.
Comme son ami Marcel récemment démobilisé le lui écrit : «le retour à la vie civile est difficile». Et pour surmonter souvenirs et visions d’horreur, Dédé a souvent recours à la boisson, une malheureuse habitude prise avec le pinard si généreusement distribué par l’armée.